Curriculum

REPÈRES

Sous la direction de doual'art

Dans un monde où la distinction marquée entre la sphère publique et la sphère privée n'a jamais été qu'un simple concept, RAW Académie Session 10 Repères va au-delà de cette dichotomie pour explorer la manière dont l'art en milieu urbain permet une conciliation entre les aspirations personnelles, l'intérêt général et les imaginaires collectifs. Les métropoles africaines contemporaines dont est issu ce programme sont des points de rencontre souvent fructueux, parfois conflictuels, de ces intérêts. Largement étudiée, souvent décriée, fortement fétichisée, la ville africaine n'est pas un simple « laboratoire ». Elle représente plus de 600 millions de vies sur un continent qui s'étend sur quelque 8 000 kilomètres du nord au
sud, où le soleil se lève et se couche chaque jour à travers six fuseaux horaires. Implanté à Douala, au Cameroun, notre champ d'investigation durant Repères sera constitué d'œuvres d'art, de projets et d'espaces qui utilisent le milieu urbain comme matière première pour entrer en communion avec la vie, avec les battements de cœur et les rêves qui constituent le rythme et la force ultimes de la ville.

Sous la direction artistique de doual'art, Repères s'appuie sur les trois décennies d'expérience de l'association en matière de commissariat et de conservation d'œuvres d'art qui sont, pour reprendre les termes de sa fondatrice, Princesse Marilyn Douala Manga Bell, « en résonance avec » l'espace urbain.

doual'art est né à un moment charnière de l'histoire du Cameroun, lorsqu'un soulèvement populaire et une grève générale connue sous le nom de « villes mortes » ont précipité la mise en place du multipartisme, la création de médias privés, ainsi que l'instauration de la liberté d'association. Très vite, des questions fondamentales se sont posées. Comment accompagner cette énergie créatrice et populaire ? Comment utiliser la rue à des fins autres que la protestation violente ? Comment créer un espace de dialogue entre les communautés et les autorités publiques ? Et, où réside réellement le pouvoir public ? Tant de questions tout aussi pertinentes aujourd'hui, non seulement à Douala ou à Dakar, mais aussi dans les villes du monde entier. 

Au cours de son existence, et en particulier par le biais du festival Salon Urbain de Douala (SUD), doual'art s'est imprégné de ces questions et de thèmes connexes, qui sous-tendront le programme d'études de Repères. Depuis sa naissance, SUD a notamment invité Hervé Youmbi à explorer l'ironie du manque d'accès à l'eau à Douala, pourtant fondée à l’origine comme un village de pêcheurs, tandis que Georgina Goerger s'est penchée sur les mythologies qui entourent les paysages aquatiques de la région. En revanche, Hervé Yamguen s'est penché sur l'eau qui a cessé de couler et qui est devenue stagnante. La disparition de la flore et de la faune, ainsi que la déperdition des connaissances qui l'accompagne, étaient au cœur des travaux de Tracey Rose et de Lucas Grandin. Ties ten Bosch a étudié les questions relatives à I'occupation des sols, et Aser Kash ce que signifie vivre dans I'une des villes les plus humides de la planète. Au cours de Repères, les fellows et les faculty invités se joindront aux membres de l'équipe de Doual'art et aux communautés qui ont vécu avec les projets du SUD, afin d’explorer les perspectives mais aussi les écueils de l'art dans l'espace urbain.

Le programme ne se contentera pas de revenir sur ce qui a été créé, mais s'intéressera à la manière dont cela façonne le présent et l'avenir de Douala. doual'art a contribué à imprégner la ville d'une nouvelle logique géographique, élaborée selon l'emplacement de ces pièces, aujourd'hui imprimée dans la psyché de ses habitants. Le même phénomène s'applique en sens inverse: la vie des habitants de Douala s'imprime dans les œuvres d'art, qui deviennent des espaces de mutation matériels et affectifs, en symbiose avec les changements inévitables qui s'opèrent en permanence dans la vie des habitants de la ville. Elles ne font pas simplement partie du décor, mais constituent des points de repère. Aujourd'hui, alors que le Cameroun lui-même est confronté à des défis politiques et culturels drastiques, nous sommes amenés à nous demander à qui incombe la responsabilité de la mémoire et de l'avenir de ces œuvres d'art, de leur ville, de leur pays et de leur continent. Nous nous intéressons aux questions juridiques, éthiques et conceptuelles soulevées par cette question. Enfin, nous interrogerons les implications liées à notre rôle dans le façonnement des espaces que nous partageons avec d'autres formes de vie, qu'elles soient humaines ounon humaines.

Les fellows exploreront ces thèmes à travers des marches, des discussions, des conférences et des ateliers avec les équipes de doual'art, de RAW Material Company ainsi que les faculty invités, la productrice culturelle Teesa Bahana, l’artiste Barthélémy Toguo, les architectes Jean Charles Tall et Akil Scafe-Smith, les commissaires d’expositions Hicham Bouzid et Jay Pather.