Qu’est-ce que RAW Académie ?
RAW Académie est un programme résidentiel expérimental pour la recherche et l'étude de la pratique et de la pensée artistique et du commissariat d’exposition. Le programme se déroule à Dakar pendant 7 semaines. Il invite à mener une réflexion dynamique sur la recherche en art, la pratique du commissariat d’exposition et l'écriture critique. Deux sessions distinctes ont lieu chaque année au printemps et à l'automne. La session 6 a été dirigé par Koyo Kouoh, fondatrice et directrice artistique de RAW Material Company.
CURA
Ce qu’est ou ce qu’est devenu le rôle du commissaire d’exposition ne nous semble plus vraiment une question ou un débat pertinent. La source de notre réflexion est plutôt le fait qu’aujourd’hui le commissariat d’exposition est une pratique établie et reconnue dans la sphère de la traduction/transmission et de médiation de la production artistique et intellectuelle. Il participe à la dissémination de visions diverses qui à leur tour peuvent contribuer à enrichir notre compréhension des géographies et des récits complexes.
CURA, la Session 6 de RAW Académie, est le résultat d’une réflexion menée par l’équipe de RAW Material Company à l’issue de cinq sessions de ce programme. C’est une session dédiée au commissariat d’exposition — comme monnaie culturelle contemporaine et comme action sociale et politique. Le commissariat d’exposition comme manière d’écrire et de ré-écrire des histoires, de lire le présent et d’imaginer tous les futurs possibles. Une méthode pour changer le sens des choses et ainsi nos lectures, d’occuper les espaces et de dialoguer avec des œuvres d’art. Le commissariat d’exposition comme manière d’être, de vivre et de penser avec et à travers l’art et les artistes, auprès d’elles et d’eux et de ce qu’ils créent, de leurs ateliers à l’espace de présentation de leur choix.
RAW Material Company est une cellule, habitée et animée par l‘esprit d’une équipe de commissaires, où le commissariat d’exposition est un travail et en travail. Inspirée par et en dialogue avec la créativité de son environnement à Dakar, au Sénégal, RAW est panafricaine, avec une oreille attentive et la main tendue au reste de la planète. C’est un espace transdisciplinaire pour la pensée et la pratique artistique. Aussi bien que l’exposition est une forme qui est au cœur de notre travail, nous ne la considérons pas comme étant la seule forme d’engagement avec l’art. Nous sommes intéressées par la porosité des formes de médiation. Beaucoup ont prétendu que l’histoire de l’art n’est plus une histoire d’objets mais d’expositions, mais pour une institution telle que RAW dont la pratique est liée au savoir dans sa multitude de formes, l’histoire de l’art que nous créons touche aux multiples possibilités naissantes pour commissarier des idées et les formes de leur matérialisation. Nous nous intéressons aux arts visuels et au sonique, au vestimentaire et au comestible et sommes inspirées par les arts de l’hospitalité, du mouvement et de la performance sociale. Nous nourrissons un œil critique face à la pratique pédagogique en elle même et pensons toujours à comment ces formes peuvent susciter l’imaginaire politique. Nous sommes curieuses de savoir ce qui précède le passé, le pendant du pendant et l’après de l’après.
RAW est de surcroît le lieu de travail de 20 participants et d’un nombre croissant d’intervenants pour une période de six mois par an. Nous remettons continuellement nos propositions et idées de commissariat en question car étant sans cesse exposées à l’apport des professionnels avec qui nous travaillons et qui entrent dans notre univers. L’espace de RAW ainsi que son équipe deviennent un site de substitution et respectivement interlocutrices qui souvent font face à des approches différentes des leurs en terme de commissariat d’exposition. Quelle est la signification d’une telle souplesse pour une institution ? À quel point le programme de l’Académie constitue-t-il un projet de commissariat de RAW, ou une opportunité pour RAW d’être commissariée ? Plusieurs décennies après l’établissement de la critique institutionnelle dans la sphère artistique, les manières dont le développement d’institutions est en lui-même une forme de commissariat représentent encore un champ de recherche souvent négligé.
La session 6, CURA, a donné ainsi la place bien nécessaire pour se pencher sur ces questions et plus encore, a offert l’opportunité de discuter de et de faire l’expérience de la proposition institutionnelle qu’est RAW Material Company et ses collaborateurs/trices. Nous avons exploré les tenants et aboutissants qui animent notre profession dans des contextes aussi particuliers et aussi divers que les environnements desquels ils émergent. Qu’il s’agisse d’évoquer la théorie critique et esthétique la plus récente produite dans ce domaine, son historiographie ou la possibilité de penser un commissariat décolonial. De manière plus poussée - le refus même de le penser dans un espace théorique qui a avant tout été défini par l’Occident, ou réfléchir sur les conséquences de la dominance masculine et des transgressions misogynes existant dans un champ professionnel marqué, entre autres paradigmes, par les hiérarchies de genre et de race.
Et pour ne pas oublier l’interdépendance qui existe entre les commissaires d’exposition et les artistes, les critiques et les historiens de l’art, et l’enchevêtrement grandissant de ces disciplines, CURA a accueilli des participants de toute discipline artistique, se concentrant sur la pratique au lieu du titre et, ce faisant, sur les questions nécessaires concernant la nature de la collaboration.
La session s'est déroulé comme un sommet de commissariat d'un ordre différent. Les commissaires qui ont nourri et entretenu une tension critique en ce qui concerne ce métier et qui ont créé des perspectives et des univers uniques ont formé le corps professoral. Ce sont des personnes et des collectifs qui informent et défient à la fois le travail de RAW Material Company et élargissent la possibilité de transformer le nom cura en verbe.
Le corps professoral était composé entre autres de Zoe Butt, Diana Campbell Betancourt, Princesse Marilyn Douala Manga Bell, Elvira Dyangani Ose, Adrienne Edwards, Reem Fadda, Kate Fowle, Natasha Ginwala, Samuel Leuenberger, Chus Martinez, Gabi Ngcobo, Ruth Noack, Maria Lind, Miguel A. López, Marion Louisgrand Sylla, Bisi Silva et WHW.
Koyo Kouoh est la fondatrice et directrice artistique de RAW Material Company. Elle participe à la 57ème édition de Carnegie International, 2018, avec Dig Where You Stand, une exposition au sein de l’exposition de la collection du Carnegie Museum of Art. Avec Rasha Salti, elle a récemment co-commissarié Saving Bruce Lee: le cinéma africain et arabe à l'ère de la diplomatie culturelle soviétique à la Haus der Kulturen der Welt à Berlin. Auparavant, elle était commissaire de 1:54 FORUM, le programme éducatif de la Foire d’art contemporain africain à Londres et à New York, et fut membre des équipes de commissariat des documenta 12 (2007) et 13 (2012). Kouoh était la commissaire de "Still (the) Barbarians", 37ème édition d’EVA International, Biennale d'Irlande à Limerick (2016); et a organisé de nombreuses expositions à l'échelle internationale et publié largement, y compris Word! Word? Word! Issa Samb et la forme indéchiffrable, RAW Material Company / OCA / Sternberg Press (2013), la première monographie consacrée à l'œuvre de l'artiste sénégalais Issa Samb; État des lieux sur la création d’institutions d’art en Afrique, une collection d'essais résultant du symposium éponyme qui s'est tenu à Dakar en janvier 2012; et Chronique d'une révolte: Photographies d'une saison de protestation, RAW Material Company et Haus der Kulturen der Welt (2012). En plus d'un programme soutenu de théorie, d'exposition et de résidence à RAW Material Company, elle maintient une activité critique de commissariat et de conseil et est régulièrement membre de jury et de comités de sélection à l'échelle internationale. Elle vit et travaille à Dakar et à Bâle et est consciemment accro aux chaussures, aux tissus et à la nourriture.
Calendrier des Sessions Publiques
CURA - RAW Académie Session 6
Lundi 25 mars 18h00
Conférence publique avec Ruth Noack
Dormir avec force et rêver d’une vie
Basée sur une série d’expositions sur les politiques contemporaines du sommeil, cette conférence questionne la possibilité de re-configurer encore une fois le commissariat d’exposition, tout comme le sommeil et le rêve, comme une activité radicale et subjective.
Mercredi 27 mars 18h00
Conférence publique avec Chus Martínez
L’hyper-pédagogie ou Le futur de l’enseignement
Une école d’art peut-elle être l’endroit pour développer de nouvelles idées sur l’avenir de l’art et du commissariat d’exposition ? Peut-on considérer les écoles d’art comme l’endroit idéal pour développer de nouveaux concepts concernant la manière d’appréhender la production artistique ? Les écoles d’art sont-elles les meilleurs partenaires pour collaborer avec d’autres institutions artistiques afin de soutenir le travail des artistes et de créer un espace vraiment différent ? Mais pourrions-nous aussi imaginer qu’étudier l’art revient à étudier ce qui nous lie à la nature, au genre, aux processus postcoloniaux ? Et qu’en est-il des compétences ? Qu’en est-il du numérique quand le numérique n’est pas véritablement envisageable ?
Vendredi 29 mars 18h00
Conférence publique avec Samuel Leuenberger
S’approprier l’espace public
En examinant SALTS, l’organisation destinée à permettre à de jeunes artistes suisses et internationaux de développer des projets in-situ spécifiques, et Parcours, une programmation d’œuvres in-situ et de performances autour du centre historique de Bâle, côte à côte, nous étudierons les enjeux de la mise en place d’œuvres, d’installations et de performances in-situ. Le concept de « zone de confort » sera utilisé comme approche de la demande du public en ce qui concerne les interventions artistiques.
Mercredi 03 avril 18h00
Conférence publique avec Princesse Marilyn Douala Manga Bell
Ars & Urbis
Princesse Marilyn présentera l’expérience développée par doual’art (Douala, Cameroun) depuis 27 ans dans la ville, à la rencontre de ses habitants, et qui a révélé de multiples dimensions de l’art. On ne peut se contenter de réduire l’art aux questions du relationnel, de la médiation ou de l’esthétique. L’art dans l’espace social urbain est un engagement politique, relève du politique, concerne au premier chef la gestion de la cité et de la chose publique. Et il construit surtout un référencement identitaire, non plus d’une communauté mais d’une collectivité qui est en droit, plus, est en devoir de s’affranchir de codes et de formats d’asservissement.
Mardi 9 avril 18h00
Conférence publique avec Diana Campbell Betancourt
La montée des institutions d'art du delta du Bengale
Le Bangladesh indépendant est né en 1971 à la suite d'un cyclone dévastateur et d'un régime oppressif des forces pakistanaises qui ont massacré de manière stratégique les intellectuels du pays. Trois ans après, le gouvernement a fondé l’Académie du Bangladesh Shilpakala ainsi que la Biennale de l’art asiatique. Aujourd’hui, les artistes du Bangladesh se développent de manière créative grâce aux institutions construites par et pour des artistes. Cette conférence portera sur l’émergence des écoles d’art au Bangladesh, les initiatives d’artistes et les festivals tels que la Chobi Mela, la Biennale de l’art asiatique et le Dhaka Art Summit.
Vendredi 12 avril 18h00
Conférence publique avec WHW
Mon doux petit agneau (tout ce que nous voyons peut aussi être perçu différemment)
Les membres du collectif curatorial, What, How and for Whom/WHW (Quoi, Comment et pour Qui?) Ana Dević et Nataša Ilić présenteront leur projet d'exposition Mon doux petit agneau (tout ce que nous voyons peut aussi être perçu différemment), co-commissarié avec Kathrin Rhomberg. Elles discuteront également des façons dont la perspective locale influe de manière continue sur leur pratique en commissariat d’exposition, ancrée dans leur direction de la Galerie Nova à Zagreb, un espace à but non-lucratif, et leur programme éducatif nouvellement inauguré WHW Akademija. Ce programme offre de nouvelles formes d’autodétermination parmi les participants, en s’appuyant sur des modes de réflexion critique, la curiosité et des rencontres entre artistes, œuvres, professionnels d’art, universitaires et praticiens de disciplines diverses.
Mardi 16 avril 18h00
Conférence publique avec Kate Fowle
Alors que les années 1990 ont vu le début du boom mondial des biennales, le tournant du nouveau millénaire a vu l’évolution de nouveaux modèles pour les institutions, permettant le développement de réseaux durables et de collaborations à l'échelle régionale et internationale. Cependant, aujourd’hui, à un moment où les commissaires entreprennent des rôles et traitent des sujets de plus en plus politisés, on assiste clairement à une crise de croissance. À partir de notre position actuelle, quels imaginaires soutiendront l’avancement d’institutions réflexives qui sont capables de contribuer, de manière critique, à la société du 21ème siècle?
Vendredi 19 avril 18h00
Conférence publique avec Miguel A. López
L’art de l’Amérique Centrale: Nos corps nous-mêmes
TEOR/éTica est une organisation pour les arts visuels, à but non-lucratif et fondée en 1999 par Virginia Perez-Ratton, une artiste et commissaire d’exposition costaricaine. Sa mission est de contribuer à la recherche sur et la diffusion de pratiques d’art contemporain en Amérique Centrale et aux Caraïbes en dialogue avec les réalités mondiales. Cette présentation explorera le travail d'artistes de cette région qui emploient diverses stratégies de fabrication de soi et de création d’images pour interroger la représentation politique du genre.
Mardi 23 avril 18h00
Conférence publique avec Elvira Dyangani Ose
Le rituel en tant qu’institution
S’appuyant sur certaines des préoccupations analysées lors du symposium Expérience en tant qu’institution - 1ère partie : Les collectifs d’artistes et les plateformes culturelles en Afrique, qui s’est déroulé à la Tate Modern en 2013, ce séminaire prend comme point de départ le mode opératoire du collectif d’artistes sénégalais Laboratoire Agit’Art pour envisager d’un point de vue théorique la genèse des pratiques artistiques collectives contemporaines en Afrique, ainsi que leur statut. Le séminaire analyse divers exemples d’artistes, de collectifs d’artistes et d’organisations, qui s’impliquent dans des questions socio-politiques se manifestant en dehors du cadre spatial et temporel de l’expérience artistique.
Lundi 29 avril 18h00
Conférence publique avec Maria Lind
Travailler avec des choses que je ne comprends pas
L’art contemporain reste un mode de connaissance extraordinaire, une méta-catégorie qui peut tout inclure. Ce qui le rend incroyablement utile pour traiter de la vie actuelle. En rendant possible de nouveaux récits, l’art contemporain s’attaque aux questions difficiles et fait apparaître des imaginaires inconnus jusqu’ici. Travailler avec l’art contemporain en tant que commissaire d’exposition est pour Maria Lind un questionnement sans fin de ce qu’elle ne comprend pas, de ce qu’elle ne connait pas. Parmi les sujets qui seront abordés pendant cette conférence se trouve la position de l’artiste par rapport à l’institution.
Mercredi 01 mai 18h00
Conférence publique avec Natasha Ginwala
Tant de faims
Cette conférence retracera les héritages obsédants de la famine du Bengale (1943-1944), qui a entraîné une famine généralisée, un assèchement économique et une démonstration de la tyrannie impériale britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que le mouvement pour la liberté en Inde résonnait de demandes de libération totale du Raj britannique. La nature complexe de la famine sera explorée à travers les contributions d'artistes et de réalisateurs de films, tandis que les mécanismes coloniaux et la nécropolitique de la faim se traduiront également par une dramaturgie plus vaste autour de la violence systémique dans la modernité.
Vendredi 03 mai 18h00
Conférence publique avec Zoe Butt
Nous ne connaissons pas le français. Nous parlons vietnamien.
Le Vietnam a posé les jalons de son indépendance de l’Empire française à la Bataille de Dien Bien Phu en 1954 - mais à un coût futur colossal. Comment les artistes vietnamiens répondent-ils aujourd’hui à l’histoire qui en résulte d’agitation civile, de guerres par procuration, d’un déplacement démographique de masse, de l’union Communiste et du succès économique actuel du pays ? Quelles alliances les artistes cherchent-ils en traçant le sens de leur culture, au delà des histoires officielles et des stéréotypes touristiques répandus ?