Notre humanité se renforce-t-elle du fait de manger ensemble ? Notre compréhension, notre accueil des autres, grandissent-ils du partage ? Le repas est le site par excellence où l’on dépose ses armes, ses différences. S’il est exceptionnel, agrémenté parfois d’un peu de vin, on peut oublier qu’une quelconque distance nous sépare. On s’ouvre, on rit, on raconte. Et ce qu’on en emporte, après, peut informer toute la vie.
Cette session de la RAW Académie s’ancre dans l’échange culinaire, vecteur de possibilité créative et civique. Le repas est un point d’arrivée, une rencontre de convives mais aussi d’un ensemble vivant d’éléments écologiques, économiques, culturels – les foodways – qui orientent la recherche des ingrédients, la préparation des mets, le travail fourni. Il est aussi lieu de négociation : autant la migration des aliments et cuisinier-e-s est-elle gage de contact culturel, voire de cosmopolitisme, le goût demeure politique. Les systèmes de caste, de classe, d’empire, se servent du goût et du dégoût comme outils de pouvoir.
Plus que tout, cependant, nous lisons le repas comme un point de départ. Ce moment répété, cette cérémonie – rompre le pain – crée l’espace et le temps pour l’échange. En peuvent résulter idées fraîches, projets inédits, et un renouveau d’imagination artistique et civique. Par ces temps de crise écologique et sociale, l’alimentation et le repas reflètent des enjeux graves, mais nous ouvrent aussi à la possibilité : belle, vitale, libératoire.
Notre session se tient dans un paysage culinaire particulier, celui de Dakar. Comme tout terroir, il exprime une longue histoire tout en changeant sous l’effet de facteurs locaux et externes. Nous nous mettrons en lien avec ce paysage et ses gens, aussi bien au marché et en amont que dans ses espaces artistiques et conviviaux, dont la maison de RAW avec ses cuistotes et sa table commune. Les premières semaines de la session coïncidant avec le ramadan, nous reprendrons l’éthique du ndogou, appelation sénégalaise de l’iftar, le repas en communauté qui rompt le jeûne.
Pluridisciplinaire, cette session réunira des intervenant-e-s qui ont en commun de s’intéresser au repas, ses systèmes, sa culture, ses possibilités d’action culturelle. Nous invitons à postuler un éventail similaire de participant-e-s – qu’ils et elles soient cuisinier-e-s, auteur-e-s, artistes, initiateur-trices de situations et d’espaces alternatifs et conviviaux – pour ensemble explorer, partager, et nous nourrir.
Les intervenant-e-s comprendront entre autres, les auteurs Sharanya Deepak et Jessica Harris, les artistes et performeurs Rahima Gambo et Wura-Natasha Ogunji, la militante culinaireSalimata Wade ainsi que le collectif Breaking Bread.
Yemisi Aribisala
Née au Nigeria, Yemisi Aribisala est auteure et peintre autodidacte. Elle est surtout connue pour son utilisation thématique de la nourriture pour explorer les histoires nigérianes. Son premier livre, Longthroat Memoirs: Soups, Sex & Nigerian Tastebuds utilise la nourriture nigériane comme substrat littéraire pour réfléchir à la culture et à la société nigérianes. Longthroat Memoirs a remporté le prix Gourmand’s World Cookbook, a été sélectionné pour le prix Art of Eating 2018 et a remporté le prix John Avery 2016 aux Andre Simon Book Awards. Son deuxième livre Wait! I'm Bringing a Bird Out of My Pocket, sera publié par Chimurenga, Cape Town. Elle vit à Londres.
Siddhartha Mitter
Siddhartha Mitter est écrivain spécialisé dans les arts, la création artistique et les communautés créatives dans leur contexte social et politique. Le journalisme d'art de Siddhartha apparaît fréquemment dans le New York Times, Artforum et d'autres publications. Il était auparavant régulier de Village Voice, de la radio publique WNYC New York et du Boston Globe, et a écrit ou joué dans de nombreux autres lieux. Siddhartha a reçu une subvention pour la création artistique de la Creative Capital / Fondation Andy Warhol au cours de la saison 2017-2018. Il est actuellement engagé dans de nombreuses recherches et reportages sur les communautés d'artistes et de créateurs et sur leur contribution au développement des possibilités civiques dans les grandes villes africaines, ainsi qu'à des projets de journalisme dans le même esprit ailleurs, notamment aux États-Unis. Siddhartha a des antécédents personnels en Inde, aux États-Unis et en France et a beaucoup travaillé et voyagé en Afrique de l'Ouest. Il a fait des études de premier cycle et des cycles supérieurs en économie politique du développement et dans des domaines connexes à l'Université de Harvard. Il travaille principalement dans le journalisme culturel depuis 2004 et réside à New York depuis 2006.