mars 09 - 08 2024

Rumination sur ce qui nourrit nos rêves ardents

Rumination sur ce qui nourrit nos rêves ardents

Durant toute l’année 2024, La Casa Encendida offre une carte blanche à RAW Material Company dans l’espace de la ROOM A. 

Intitulée, Rumination sur ce qui nourrit nos rêves ardents, ce projet se déroulera sur trois volets:

  • 09 mars - 02 juin: Que notre chant soit digne de ceux qui l'écoutent, une reading room du Untitled duo (Yvon Langué & Soukaina Aboulaoula) 

  • 13 juin - 22 septembre: Élégie pour un exilé disparu en mer, une résidence de création suivi d’une exposition solo de Renée Akitelek Mboya

  • 19 septembre - 08 décembre: Voyager, Contenir, Transporter, une exposition collective de Amina Lawal Agoro

En 2024, La Casa Encendida invite RAW Material Company à investir la ROOM A. Durant toute l’année, elle offre une carte blanche à l'organisation basée au Sénégal pour prendre le temps de questionner les canons institutionnels de présentation de l’art contemporain. L’objectif de cette collaboration est d’ouvrir l’espace de la ROOM A à d’autres récits et d’autres manières de faire et de penser qui entrent davantage en résonance avec le contexte de la Casa Encendida. L’intérêt de cette exposition réside dans l’opportunité de tisser une trame avec les programmes de RAW et principalement celui de la RAW Académie. Elle est une opportunité d’en assurer une forme de continuité et d’entretenir la relation avec les fellows. 

RAW Académie est un programme expérimental et expérientiel pour la recherche et l'étude de la pratique et de la pensée artistique et du commissariat d’exposition. Il invite à mener une réflexion vivante sur la recherche en art, la pratique du commissariat d’exposition et l'écriture critique. Si on considère l'Académie comme un lieu de transformation de nos méthodes, de réflexion autour de celles-ci et de transmission de savoirs non hiérarchisés entre tous les intervenants, il semble essentiel d’ouvrir la participation aux bénéficiaires de ce programme, afin de pouvoir montrer et partager ce que leur pratique est devenue, après leur passage par le programme.
  
Ainsi, dans la continuité de l’exposition collective The Educational Web, réalisée au Kunstverein de Hambourg en 2023, RAW Material saisit la chance qui lui est donnée d’investir un espace. Et plutôt que de démontrer la méthode RAW par l’exposition d’archives, elle approfondit cette idée pour occuper réellement l’espace de façon assumée: en donnant la parole aux principaux intéressés pour aborder la question de la transmission des savoirs et en montrant comment elle pense, parle et construit à partir et avec la communauté.
 
Nous avons articulé cette carte blanche en trois parties. La première est une Reading room mise en œuvre par Untitled duo (Yvon Langué & Soukaina Aboulaoula), sur la pratique de la RAWAcadémie comme un point d’entrée pour cartographier les initiatives qui ont transformé le continent en termes d'éducation artistique et culturelle. La deuxième est une résidence menée par l’écrivaine, commissaire d’exposition et réalisatrice Renée Akitelek Mboya avec pour objectif de penser une méthodologie depuis le contexte espagnol, en lien avec la communauté  afro-diasporique. Elle donnera lieu à la réalisation d’un film et à une exposition solo. La troisième itération est une exposition collective portée par la commissaire Amina Lawal Agoro sur la question des identités et communautés afro-diasporiques dans le but de montrer les systèmes de coopération qui se sont mis en place entre les femmes artistes.

May our song be worthy of those who listen

Le premier volet de cette collaboration a commencé le 9 mars 2024 avec un vernissage en présence des curateurs du programme, Untitled duo_Yvon Langué & Soukaina Aboulaoula, Renée Akitelek Mboya & Amina Lawal Agoro, Fatima Bintou Rassoul Sy et Delphine Buysse de l’équipe de RAW Material Company incluant Marie-Hélène Pereira en sa qualité de conseillère curatoriale. 

Que notre chant soit digne de ceux qui l'écoutent prend la forme d'une salle de lecture dans laquelle est exposée une tapisserie entrelacée de formes collectives d'être, de faire et de (dés)apprendre. 
La conversation d'ouverture a été suivie par une projection du film Mémoire 14*, d’Ahmed Bouanani (1971, 25 minutes), suivi d'une conversation avec Ali Essafi autour de son livre Widen the Circle : An Obscure Experimentation in North African Avant-Garde Cinema (Sharjah Art Foundation, 2022).
*Courtesy Touda Bouanani — Les Archives Ahmed Bouanani.

La salle A propose une rencontre immersive avec la RAWAcadémie et ses dix sessions, ainsi qu'une sélection de documents qui font écho à l'éthique de RAW, à sa perception de la production de savoirs et à ses différents modes de transmission et de diffusion.

En outre, l’espace de plateforme pour cartographier le paysage des différentes voix qui travaillent avec et autour de modèles flexibles de pédagogies artistiques radicales. En ce sens, RAW agit à la fois comme une étude de cas et comme un narrateur qui raconte le voyage non linéaire de l'éducation tel qu'il est cultivé à travers sa notion de laboratoire et à travers son réseau.

Le titre est emprunté à l'évocation du conteur par Ahmed Bouanani au début de son film Mémoire 14 : "Élargissez le cercle, que Dieu élargisse vos tombes, que le poète et le conteur soient bénis, que notre chant soit digne de ceux qui nous écoutent". Il s'agit d'une référence directe à la Halqa, (qui se traduit par "le cercle" en arabe), une forme ancienne de narration au Maroc où le conteur ou le narrateur se produit dans des espaces publics * dans un cadre circulaire.

Au-delà d'une simple arène de narration, la Halqa, est un espace de mouvement collectif, d'apprentissage, d'archivage et de rassemblement. Elle reflète ainsi l'essence de la notion d'étude telle qu'elle est employée dans The Undercommons de Fred Moten et Stefano Harney : "L'étude est ce que vous faites avec d'autres personnes. C'est parler et se promener avec d'autres personnes, travailler, danser, souffrir, une convergence irréductible des trois, tenue sous le nom de pratique spéculative". 

En s'inspirant de cette idée, la salle de lecture développe la Halqa en tant que conduit spatial, métaphorique et narratif afin de créer un espace où les pistes de la connaissance sont continuellement en cours d'élaboration.

L’exposition "Que notre chant soit digne de ceux qui l'écoutent" présente notamment le projet Taught to Travel, 2022, conçu par Moad Musbahi - il s'agit d'une série de courts métrages commandés à des créatifs dakarois (Arfan Barro, Diakus et Xelkoom, Moustapha Mballo Dieng, Halimatou Diallo, Mod'boye Diallo) dans le cadre du programme de résidence de RAW, en février et mars 2022. En collaboration avec l'Institut Harun Farocki (financé par le Goethe Institute Visual Art Fund).

Élégie pour un exilé disparu en mer

Le second volet de cette collaboration fait suite à une résidence à La Casa Encendida. Elle a donné lieu à la production d’un film par la commissaire et réalisatrice, Renée Akitelek Mboya. Intitulée, "An Elegy For An Exile Lost At Sea”, cette dernière avait pour ambition de penser une méthodologie depuis le contexte espagnol, en particulier depuis le quartier de Lavapiés qui se trouve être depuis plusieurs siècles, le point d’ancrage de différentes générations de migrants… Et plus récemment de la communauté  afro-diasporique. Ce quartier, s’est aussi celui de La Casa Encendida, qui depuis plus de vingt ans pense et construit sa programmation à partir de ce lieu qui aura largement contribué à façonner l’identité de l’institution. Cette période de résidence durant laquelle Renée côtoie ces différentes couches qui font l’identité de Lavapiés vont faire émerger de nombreuses questions, notamment éthiques,  qui vont la pousser à faire glisser le lieu ainsi que l’objet de sa recherche. Elle étoffe notamment celle-ci avec des strates d’archives audiovisuelles provenant de différentes sources qui challengent les processus d’assimilation et les formes éducatives qui les ont précédées…

Une élégie pour un Exilé perdu en mer est un travail documentaire spéculatif utilisant des documents d'archives, compilés en collaboration avec des migrants sénégalais « sans-papiers » de la communauté de Lavapies à Madrid.

Jouant sur la notion de griot, Une élégie pour un Exilé perdu en mer instrumentalise et propose une généalogie poétique de l'histoire des migrants contemporains à travers l'image en mouvement, la photographie et le son. En fusionnant des récits collectifs, des images d'archives, des photographies, des bandes sonores, des références cinématographiques de la période suivant immédiatement l'indépendance, ainsi que des enregistrements provenant des Archives Culturelles du Sénégal ainsi que des récits transmis par les médias sociaux (notes vocales, enregistrements vidéo, sermons) en collaboration avec des conteurs souvent invisibilisés et méconnus, nous donnons la priorité aux récits partagés comme moyen de contribuer à une archive contemporaine d'une population largement marginalisée, criminalisée et oubliée.

Ensemble, nous avons travaillé à l'élaboration d'une base de données, en utilisant des techniques phonostylistiques qui existent dans diverses cultures africaines, mais plus particulièrement dans le contexte ouest-africain et wolof (jat, nor nopp, mbabor), dans le prolongement de l'activisme mémoriel et des pratiques d'archivage des griots. Nous espérions récupérer ces pratiques dans le contexte des communautés en exil et en transit. 

Une élégie est un poème de réflexion grave, parfois utilisé comme un terme générique pour désigner des textes au ton sombre ou pessimiste, parfois comme un marqueur de monumentalisation textuelle, et quelquefois strictement comme le signe d'une lamentation pour les morts. 

Journeying, Carrying, Containment

Le troisième et dernier volet de cette Carte Blanche est une exposition collective  intitulée "Journeying, Carrying, Containment" avec les artistes Binta Diaw, Ana Pi, Frida Robles Ponce, et Tako Taal, conçue par Amina Lawal Agoro, en collaboration avec le duo Untitled(Soukaina Aboulaoula & Yvon Langué).

Vous êtes cordialement invités au vernissage de l'exposition, ce samedi 21 septembre 2024, à partir de 12h à La Casa Encendida - Ronda de Valencia, 2. 28012 - Madrid. 

 

Programme d'ouverture :

12h - 13h

  • Mot d'introduction de Pablo Berástegui (Directeur de La Casa Encendida) & Ndèye Filly Gueye ainsi que Marie Cissé (respectivement Commissaire des programmes et productrice des programmes de RAW Material Company).

  • Performance d'activation sonore, fruit d’une collaboration entre l’artiste Frida Robles Ponce et Maguette Dieng Aka Dj Mbodj de Jokko Collective.

13h - 14h

  • Amina Lawal Agoro en conversation avec les artistes Frida Robles Ponce et Tako Taal. Suivi d’un Q&A.

14h - 15h 

  • Boissons et clôture

 

Le rivage que l'on aperçoit dans l'horizon lointain semble sans fin ; le retour est toujours un détour ; et l'œuvre d'art n'a pas de bord distinct, tout comme l'exposition se prolonge au-delà des murs de l'institution. Il y a une technologie du mouvement qui exige une reconnaissance à travers l'espace et le temps ; c'est un geste qui fait écho à ce qui est familier, ou une conscience du monde sans voyage ; c'est une invocation, c'est spirituel, c'est une mémoire corporelle - appelez cela comme vous voulez. Ce sont des murmures de noirceur. 

Et lorsqu'on vous demande d'où vous venez, vous répondez : « Ici ».

*

En utilisant le vocabulaire relatif à la notion de portage pour décrire les nombreuses formes - émotionnelles, matérielles, intellectuelles - que nous revêtons en tant que femmes de couleur au cours de notre voyage (parfois avec l'intention de le transformer, de le recontextualiser ou simplement de le laisser être). En utilisant ce langage, un agrégat se forme dans la notion de portage : le porteur et ce qui est porté ; la mère et l'enfant ; l'artiste et l'œuvre d'art.  Attirer l'attention sur la somme qui s'articule autour d'une dyade, c'est aussi précisément marquer la différence, c'est reconnaître le fardeau que cela représente, lequel peut parfois céder, se dérober à la vue ou être ignoré.

L'idée de contenance évoquée dans cette exposition se rapporte à ce que nous identifions mais qui ne peut être contenu, et doit nécessairement aboutir à la fonction implicite d'approvisionnement, qui est un débordement. L'œuvre est remplie à partir d'une source (multiple) et est elle-même une source de ce qu'elle préserve.  Il est peut-être utile de considérer chaque œuvre comme un petit réceptacle qui sert de site où les choses sont conservées provisoirement, comme une extension de soi, de l'artiste (auquel nous nous identifions) mais qui ne peut être contenue, chaque œuvre étant tressée comme un élément d'un patchwork, s'ancrant l'une dans l'autre, et respirant simultanément de manière indépendante. 

RAW MATERIAL COMPANY

CENTER FOR ART KNOWLEDGE AND SOCIETY

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